Université de Tunis EL Manar
Faculté de Droit et des Sciences
Politiques de Tunis
DROIT COMMERCIAL (I)
LES ACTES DE COMMERCE
LES COMMERçANTS
LE FONDS DE COMMERCE
Cours correspondant au programme
de la
troisième année de la maîtrise en droit
(Droit judiciaire, Droit de l'entreprise)
Par Nadhir
BEN AMMOU
Année
universitaire 2003-2004
INTRODUCTION
Acheter du pain , louer un appartement,
voici des actes de la vie courante que
chacun d’entre nous est appelé à accomplir. Qu’ils soient soumis au droit
positif cela ne semble pas faire l’ombre d’un doute. A ceux qui comme vous ne
connaissent, pour l’heure, que le droit civil il s’agit incontestablement
d’actes civils. Mais ceci n’est vrai qu’en partie. Ces actes peuvent aussi bien
être soumis soit au droit civil qu’au droit commercial. Qu’est-ce donc que ce
droit qui fait partie des disciplines du droit privé mais qui n’est pas du
droit civil?
Après avoir défini et délimité le domaine du
droit commercial (Section I) , nous en exposerons l’évolution (Section II) ,
les sources (Section III) avant d’aborder la question de son autonomie (Section
IV).
SECTION I : DEFINITION ET DOMAINE DU
DROIT COMMERCIAL
Le droit commercial est-il le droit des
seuls commerçants ? La théorie subjective
répond par l’affirmative. Pour cette théorie le droit commercial est un droit
professionnel. Il est réservé aux commerçants qui sont d'ailleurs inscrits sur
un registre particulier. Il en encadre l'activité et fixe le statut. Telle
n’est pas la définition retenue par la théorie objective pour laquelle le droit
commercial régit les activités commerciales indépendamment de l'exercice
d'une profession commerciale. Peu importe
par exemple si l'actionnaire dans une société anonyme ou le trieur d'une
lettre de change ont ou non la qualité de commerçant.
Lorsque l’article premier du code e commerce
dispose que « le présent code s'applique aux commerçants et aux actes de
commerce ». cela signifie-t-il que notre législateur consacre l’une ou
l’autre des théories ci-dessus rappelées ? La marque de la théorie
subjective est visible du fait même que le code dit qu’il s’applique aux
commerçants. Mais en précisant par ailleurs qu’il s’applique aux actes de
commerce, il semble se faire l’écho de la théorie objective. L’accomplissement
des actes de commerce dans leur grande variétés n’est pas réservé aux
commerçants. Aussi en consacrant sa double vocation à s’appliquer aux
commerçants et aux actes de commerce , le code de 1959 semble avoir opté pour
une conception large du droit commercial en conciliant entre les théories
objective et subjective.
Bien que le droit commercial ne soit
pas réductible au code de commerce, il
est possible au vu de ces précisions de proposer une définition élémentaire du
droit commercial. C’est la branche du droit privé qui est appelée à
régir les rapports juridiques entre
commerçants et entre ces derniers et leurs clients ainsi que les rapports qui naissent
à l’occasion de la réalisation d’actes de commerce par des non
commerçants. Le droit commercial peut ainsi apparaître comme le droit des
commerçants et le droit des actes de commerce.
L’appellation
droit commercial n'exprime, cependant
pas l'étendue réelle du domaine de cette
discipline. L'origine latine du mot commerce (commercium) servait à
désigner tous les rapports juridiques que les individus entretenaient relativement à l'utilisation de leurs biens.
Ceux-ci étaient soit dans le commerce (in commercium)soit hors
du commerce(extra commercium). Or si à l'heure actuelle cette
distinction se retrouve encore en droit civil pour désigner les choses pouvant
faire l'objet d'obligations contractuelles, elle est dépourvue d'intérêt dans
la délimitation du domaine du droit commercial. En effet, ce droit ne désigne
pas toutes les opérations sur les biens matériels. A l'inverse, si les
économistes distinguent entre commerce et industrie, le droit commercial ignore
cette distinction : il s'applique à la fois au commerce, à l'industrie et aux
prestations de services : l'industriel,
le transporteur, l'assureur et le banquier sont des commerçants au sens
juridique du terme.
La
doctrine propose d’autres appellations. Ainsi parle-t-on de plus en plus de
« droit des affaires » ou de « droit économique ». Sans
évoquer une simple querelle de mots, ces appellations expriment chacune pour sa
part un choix de société. Le concept de droit économique met l'accent
sur l'intervention étatique tandis que celui de droit des affaires
évoque plutôt le rôle de l'initiative capitaliste. Mais quelle que soit
l'appellation retenue, ce qui doit être mis
en évidence c'est l'influence des faits économiques sur le
droit en général et sur le droit
commercial en particulier, la remise en cause de la distinction entre doit
public et droit privé et la nécessaire approche pluridisciplinaire de l'étude
du droit commercial. De plus en plus
s'impose, en effet, la prise en considération d'autres matières telles que le
droit fiscal, le droit social , le droit comptable et le droit de la
concurrence et le droit de l’investissement pour une meilleure maîtrise et
intelligence des règles régissant le domaine commercial. C'est là une preuve et
en même temps une conséquence de l'évolution que ce droit a connue et qu'il est
appelé connaître.
SECTION II : L’EVOLUTION DU DROIT
COMMERCIAL
Si le code de commerce de 1959 (§ 2)
constitue une étape importante dans l’évolution du droit commercial dans notre
pays, ni l’histoire de ce droit avant le code ( §1) ni l’évolution marquée
par les lois postérieures à ce code (§ 3) ne sont d’une moindre importance.
§ 1- Histoire du droit commercial avant
le code de commerce de 1959
L'étude
historique a pour objectif , moins l'inventaire des différentes étapes que le
droit commercial a connues que l'enseignement qui doit en être tiré pour
comprendre et parfaire les institutions actuelles.
La
doctrine contemporaine enseigne que les droits de la très haute antiquité ont
connu et réglementé différentes opérations et institutions commerciales. C'est
ainsi qu'on rapporte que les babyloniens ont connu le prêt à intérêt, la
société, le dépôt d'espèces et de marchandises. Les phéniciens auraient, pour
leur part, inventé la technique de l'avarie commune. Aux grecs, on doit le prêt
à la "grosse aventure". Les romains auraient mis au point la représentation
et réglementé les opérations de banque et la comptabilité en partie double.
Mais l'apport de l'antiquité au droit commercial est jugé plutôt limité en ce
sens que les mécanismes propres à ce droit n'ont pas été découverts pendant
cette période.
L'origine des principales institutions
commerciales modernes serait à chercher dans le moyen-âge. Le berceau du
développement de l'activité commerciale étaient les villes italiennes du nord :
Gênes, Venise et Florence, points de passage obligés pour les relations avec
l'Orient. Paradoxalement, les ouvrages modernes passent sous silence l'apport
de ce monde au droit commercial. On néglige plus particulièrement la
contribution du droit musulman au développement du droit commercial. Pourtant
la position géographique privilégiée du Monde Arabe entre l'Europe, l'Inde, la Chine et l'Afrique de l'Est
en a fait un centre du commerce international. L'Islam a, de son côté, favorisé
l'essor du commerce en consacrant le principe de la liberté de la preuve. Les conquêtes musulmanes, les découvertes scientifiques (invention de
la boussole et de l'astrolabe) et la
maîtrise des techniques de l'industrie maritime furent de nature à renforcer
les relations commerciales du Monde Arabe avec ses partenaires. Des techniques
nouvelles telles que la lettre de change ou le chèque ont fait leur apparition. A l'heure actuelle
les droits modernes continuent d'utiliser des concepts développés par les
arabes : avarie, câble, magasin, tarif etc..
Qu'il
soit vu de l'orient ou de l'occident, le moyen âge fut marqué par la naissance
d'une véritable branche du droit spécifique aux professionnels et aux
opérations de commerce. La pratique des foires entraîna la naissance de la
procédure de la faillite dont la finalité était de sanctionner les commerçants
mauvais payeurs. Avec les corporations des marchands se développa un droit
propre ; une lex mercatoria et un justice spécifique, les juridictions
consulaires.
L'histoire
mouvementée de la Tunisie
du fait des multiples conquêtes dont elle a fait l'objet est à l'origine de la
précarité de ses institutions. Avec la
conquête musulmane commença le règne du Droit musulman. Malgré le fait qu'il
ait été à l'origine de différents concepts du droit commercial ce système
ignorait la distinction entre droit
civil et droit commercial. Les fuqahas traitaient les questions
actuellement qualifiées de droit commercial en même temps qu'ils traitaient les
problèmes de droit civil. Ibn Abidine, par exemple, (auteur hanafite qui a
inspiré, entre autres, les rédacteurs du code des obligations et des contrats)
analysait la lettre de change tantôt comme une forme de prêt, tantôt comme une
cession de créance.
Malgré le statut de régence ottomane de la Tunisie, on notera
que le règne ottoman ne s'est pas suivi
de l'application de la législation nouvelle en Tunisie. Le Code de commerce
ottoman pas plus que la Medjella
n'ont jamais été appliqués dans notre pays.
Le
Pacte fondamental devait apporter des modifications profondes au système en
vigueur. Garantissant la liberté du commerce et de l'industrie, (articles 9 et
10) le Pacte se proposait de créer des tribunaux "composés d'hommes
éminents pour connaître des différends que peut engendrer le commerce, cette
source de prospérité des Etats...". L'article VII du Pacte prévoyait
la composition de ces tribunaux mais en différait l'entrée en fonctions jusqu'à
l'établissement d'un accord avec "les puissances amies". La
constitution du 25 avril 1861 reprit
dans ses articles 23 et 25 la même idée (création de tribunaux de commerce) et
d'un tribunal de révision de ses décisions (art. 24). L'élaboration d'un projet
de code de commerce fut confiée à une commission désignée par Assadiq Bey en
exécution des principes du pacte fondamental. Un projet de code de commerce fut élaboré en janvier 1864
.Mais le code tunisien de commerce n'a
jamais vu le jour; le Bey ayant décidé le 19 avril 1864 de suspendre le pacte
fondamental et il fallait attendre les innovations que le Protectorat devait
apporter.
En septembre 1896 fut constituée un
commission chargée de codifier la législation civile commerciale et pénale de la Tunisie. Un projet
préliminaire de code civil et commercial
fut établi en 1897. La sous-commission de codification qui examina ce projet
confia à David Santillana le soin d'établir un avant-projet destiné à servir de
base aux délibérations d'une commission spéciale plus étendue. L'avant-projet
fut adopté en 1899. Mais il fallait
attendre 1906 pour voir apparaître non pas un code civil et commercial
mais simplement l'actuel code des obligations et des contrats.
L'abandon de l'idée d'une codification commune au droit civil et au droit
commercial ne fut jamais expliqué. Pendant longtemps, les tribunaux tunisiens
devaient affronter le vide législatif en matière commerciale. Les dispositions
du code des obligations et des contrats qui s'y rapportent (V. p. ex. les
articles 461 et s. C.O.C. sur les livres des marchands les art. 1249 et s. sous
l'intitulé "De la société contractuelle, Dispositions générales aux
sociétés civiles et commerciales".) ne suffisaient pas pour résoudre
toutes les difficultés. C'est ainsi, par exemple, qu'on s'interrogeait sur le
possibilité de créer une société anonyme en Tunisie en vertu d'une loi
étrangère sachant que le droit tunisien ne prévoyait pas ce type de
société.
Ce
n'est qu'en 1926 qu'apparurent les premières réformes. Le décret de 16 juillet
1926 institua le registre du commerce. Le décret du 28 février 1930
introduisait la législation française sur la société par actions, le décret de
5 mai 1930 celle des sociétés à responsabilité limitée etc. Ainsi, par des
textes épars, le législateur tunisien ne faisait que rendre applicable en
Tunisie le droit commercial français sans qu'aucune tentative de codification
d'ensemble n'ait été entreprise.
Avec
l'indépendance et pendant quelques années, les juges tunisiens devaient en
vertu de la convention judiciaire franco-tunisienne du 9 mai 1957 appliquer les
textes français en vigueur à la date de l'entrée en application de cette
convention toutes les fois que les
textes tunisiens ne prévoyaient pas de solution . Pendant ce temps, le
ministre de l'économie nationale a désigné une commission chargée d'élaborer un
projet de code de commerce et de code maritime. En 1957 cette commission a
achevé d'élaborer un premier projet de code de commerce. Les rédacteurs du
projet s'étaient inspirés du droit
français, des conventions internationales, des droits marocain et levantins.
Ce projet n'a , cependant, jamais vu le jour. Une seconde commission chargée de
préparer un autre projet s'en est largement inspirée dans l'élaboration de ce
qui n'est autre que l'actuel code de commerce du 5 octobre 1959.
§.2- LE CODE DE COMMERCE DE 1959
Le
code de 1959 était à l'origine composé de 746 articles regroupés en cinq
livres. Régissant respectivement le commerce en général (livre I), le fonds de
commerce (livre II), la lettre de change, le billet à ordre et le chèque (livre
III), la faillite (livre IV) et, enfin, les contrats commerciaux (livre V). Le
plan du code, on le voit bien, n'obéit pas à une ligne directrice claire. Ce
qui est de nature à confirmer l'assertion selon laquelle "un code de
commerce ne peut pas avoir un plan rationnel. Il n'est jamais qu'une réunion de
lois particulières faite dans un ordre quelconque". RIPERT et
ROBLOT par GERMAIN, op. cit., 1° , 41, p. 21....)
Les
rédacteurs du code insistent sur le caractère incomplet de leur œuvre ( Exposé des motifs du code de commerce in code de commerce, lois
usuelles et codes tunisiens, collection
Mahmoud BEN CHEIKH, Tunis 1975, pp. 1 et s., spéc. p. 1 et 4).. En même temps ils en reconnaissent le pragmatisme. « L'essentiel,
disent-ils, est d'avoir une loi à appliquer quelle que soit sa source » . A cet effet, les considérations d'ordre historique ont fait que le
droit commercial français ait eu sur les rédacteurs du code de commerce une
influence décisive. Il n'a certainement pas
été leur unique source d'inspiration. Le droit libanais à inspiré les solutions relatives à la
théorie générale des sociétés et au concordat préventif (aujourd'hui abrogé) .
Le droit allemand est à l'origine de la
réglementation des sociétés à responsabilité limitée. Le droit international
privé a, pour sa part, largement inspiré la réglementation de la lettre de
change du billet à ordre et du chèque.
Faisant
partie des premières codifications de l'indépendance, le code de commerce n'est
paradoxalement doté d'aucun prestige. Il n'a ni l'hardiesse du code du statut
personnel ni la clarté du code des droits réels et encore moins l'originalité
de code des obligations et des contrats pourtant oeuvre coloniale par essence.
Celui-ci n'est certainement pas un chef-d'œuvre en matière de codification.
Mais par le richesse et la diversité de ses sources, la tendance avant-gardiste
de quelques unes de ses solutions, il se présente comme une oeuvre
techniquement et fondamentalement supérieure au code de commerce aux textes
parfois excessivement longs et surchargés de détails techniques, ce qui ne va
pas sans entraver l'œuvre créatrice de
la jurisprudence. Une telle situation
rend inévitable le recours à d’autres lois pour compléter le code ou pour régir
des situations particulières.
§. 3 - LES LOIS POSTERIEURES AU CODE DE
COMMERCE DE 1959
Depuis sa promulgation le code de
commerce a fait l'objet de plusieurs modifications. On notera à titre d'exemple
la loi n° 62-63 du 2 juillet 1962 ayant
modifié le chapitre IV de titre III du livre I sur les sociétés à
responsabilité limitée et le chapitre VII relatif à la publicité des sociétés
commerciales, les différentes réformes de la législation sur le chèque, la loi sur les sociétés d'investissement à
capital variable. Mais quelque multiples qu'elles aient pu être, ces
différentes réformes avaient pour effet moins de remettre en cause le code que
de le consolider. Son application par les tribunaux n'a pas provoqué de grands
remous. Il a passé avec succès les premières années de l'indépendance et
résisté à l'expérience des collectivisations. Mais à mesure que le pays
s'industrialise et que les frontières s'ouvrent aux relations internationales,
les défaillances du code étaient devenues de plus en plus visibles. Le vent des
dernières réformes semble l'avoir déstabilisé. L'une des plus importantes est
incontestablement celle qui résulte des lois du 17 avril 1995. D'une part la
loi n° 95-35 qui a abrogé les articles
413 à 444 du code sur le concordat préventif et modifié certaines dispositions
sur la faillite. D'autre part la loi n° loi n°95-34 a instauré la procédure du redressement des entreprises
en difficultés économiques. Mais le code des sociétés commerciales promulgué
par la loi n°93-2000 du 3 novembre 2000 est incontestablement le texte le plus
important en volume et en substance qui ait ôté au code de commerce une grande
partie de son rayonnement. Avec plus de 450 articles (au moment de sa
promulgation) réservés aux sociétés une partie importante des dispositions
du code de commerce a disparu. Et si on sait que les baux commerciaux sont
régis par un texte spécial, que le droit
des assurances est régi par le code de 1992, que les textes spéciaux organisent
la concurrence, les ventes commerciales,
les établissements de crédit, le commerce extérieur, on peut
légitimement s'interroger que reste-t-il du code de commerce ? Peu de choses en
réalité. Mais ce qui intéresse le plus c'est d'avoir un corps de règles adapté
à l'évolution et aux besoins de la vie économique. C'est en cela que la
diversité des sources du droit commercial acquiert toute son utilité.
SECTION III: LES SOURCES DU DROIT
COMMERCIAL
Le berceau du droit commercial n'était autre
que les foires, il est donc normal que les sources internationales de ce droit
(§1) occupent une place importante à côté de ses sources internes (§2).
§. 1- LES SOURCES DU DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL
Le
droit commercial ne peut pas répondre aux besoins de la vie économique s'il
reste enfermé dans les limites réduites des frontières d'un pays quelque grand
qu'il soit. Il est en quelque sorte condamné à répondre aux exigences du
commerce international. L'internationalisation des affaires résultant du
développement des moyens de
communication a donc une influence décisive sur le droit commercial. Or le
développement du commerce international se heurte à la diversité des droits
nationaux. De plus la méthode des conflits destinée à déterminer la plus
compétente des lois nationales s'est avérée de plus en plus difficile et
inadaptée pour régler différentes
transactions internationales. Pour parer à ces difficultés deux procédés sont
utilisés:
1°-
La superposition aux législations nationales, qui demeurent en vigueur
pour les relations internes, de lois uniformes destinées à être
appliquées aux relations internationales. Il en est ainsi, par exemple, de la
convention de Berne du 14 octobre 1890 sur les transports par chemins de fer ou
encore la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente
internationale de marchandises.
2°- Le second procédé consiste à uniformiser
le droit applicable aussi bien sur le plan
international que sur le plan interne. Tel a été le cas des conventions
de Genève du 7 juin 1930 et de 19 mai 1931 sur la lettre de change le
billet à ordre et le chèque reproduites
par le code de commerce de 1959.
La
mondialisation des échanges et l'émergence de ce qu'il est courant d'appeler
l'ordre économique international entraîne l'apparition d'un droit économique
international qui va au delà des réglementations ponctuelles telles que
l'illustrent les exemples précédemment cités. Les accords du G.A.T.T. et l'aboutissement
à la naissance de l'O.M.C tendent à la réalisation d'un ordre économique
libéral à l'échelon international essentiellement par la suppression des
mesures protectionnistes. Mais la place laissée à la liberté de manœuvre des
Etats est de nature à donner naissance
et à de nouveaux protectionnismes. De l’avis de certains juristes (ceux
notamment des pays riches) ces mesures sont de nature à retarder le développement de ce droit économique
international. Mais les intérêts de ces
pays ne convergent pas forcément avec ceux des pays moins fortunés et il y va
de l'avenir de la construction de ce droit
et de son effectivité qu'il ne se
fasse pas au détriment de ces derniers. Or en attendant cette
construction équitable, les sources internes du droit commercial continuent à jouer un rôle important.
§.2- LES SOURCES INTERNES
Ces sources sont les sources écrites d’une
part (A), et les sources non écrites d’autre part (B)
A-
Les sources écrites
Ce sont les lois largo sensu à savoir les
lois et les règlements.
Selon
l'article 34 de la constitution "sont pris sous forme de lois les
textes relatifs... aux obligations". Le texte ne précise pas s'il
s'agit des obligations civiles ou commerciales. N'ayant pas, toutefois,
distingué ce texte s'applique aussi bien aux unes qu'aux autres. Aussi, est-il
normal de constater qu'une grande majorité des textes régissant la matière est
prise sous forme de lois au sens formel, c'est-à-dire la norme d'origine
parlementaire par rapport au règlement, la norme d'origine gouvernementale
(décrets et arrêtés). C'est, plus précisément, le cas du code de commerce et
des textes qui l'ont complété ou modifié, de la loi sur le registre du commerce
ou encore celle relative au redressement des entreprises en difficultés
économiques.
La
réforme constitutionnelle du 27 octobre 1997 est venue donner au règlement un
rôle plus important dans la création des normes. En effet, depuis cette
réforme, tout ce qui ne relève pas des matières limitativement énumérées par
l'article 34 de la constitution est, d'après l'article 35, du domaine du
règlement. Or quand on sait que le droit commercial n'est pas composé
uniquement des obligations commerciales au sens juridique du terme, on peut
constater sans peine l'extension possible du domaine du règlement en la
matière. (à titre d’exemple l’organisation du registre du commerce ne fait pas
partie de l’organisation des obligations commerciales et on peut parfaitement
imaginer qu’elle puisse être l’œuvre de l’exécutif). A cela s'ajoute la
possibilité que reconnaît l'alinéa 2 de l'article 35 d'après lequel le
règlement peut même modifier les lois
antérieures prises de la matière réservée au domaine du règlement.
L'
extension du domaine du règlement au détriment de celui de la loi n'est pas
propre au droit commercial. Mais en cette matière il semble répondre à un
besoin : l'adaptation de la norme aux exigences du moment. La norme d'origine
parlementaire se caractérise au stade de sa création par une lourdeur
incompatible avec le dynamise des affaires. Et si la loi permet la mise en
oeuvre d'une politique économique déterminée, le règlement permet une solution
rapide de problèmes conjoncturels. Le risque d'inflation est certain, celui de
d'improvisation l'est davantage. Dans les deux cas se pose cependant le
problème de l'effectivité de la norme commerciale.
En
dépit de l'inflation législative (la production normative qu'elle soit
d'origine législative ou réglementaire) on observe que la législation commerciale ne se suffit pas à elle-même.
Aussi, considère-t-on qu'étant donné que le droit commercial est une branche du
droit privé il convient de chercher dans le droit commun, le droit civil en
l'occurrence, la solution des problèmes non prévus par les textes commerciaux.
Le code des obligations et des contrats recevra par conséquent application
toutes les fois qu'on est en présence d'un lacune du droit commercial. Cette
solution ne s'appuie pas seulement sur les travaux préparatoires du code de
commerce, mais elle trouve aussi son fondement
dans le code de commerce lui -même (V° p. ex. l'art. 597 C.C. sur la preuve des
contrats commerciaux ) et dans le code des
obligations et des contrats qui contient des dispositions spécifiques à la
matière commerciale (par ex. art. 175 sur la solidarité
entre débiteurs, les articles 461 et s. sur le preuve par les livres du
commerce.)
Malgré cette possibilité de recourir à
d’autres sources écrites, la richesse des celles-ci ne rend pas inutile le rôle
des sources non écrites.
B-
les sources non écrites
Il s’agit des usages (a) et de la
jurisprudence (b)
a- les usages
Si les usages jouent un rôle important en
droit commercial c’est par ce qu’ils répondent mieux à l'impératif de
rapidité et s'adaptant mieux aux
exigences de la profession. Manifestations d'un droit spontané, ce sont des
pratiques commerciales constantes couramment suivies dans un milieu
professionnel et dans un lieu déterminés. Leur apparition est fonction des
besoins qu’éprouve le milieu professionnel. A l'occasion d'une difficulté, une
partie adopte un comportement qui donne satisfaction. Suivi en d'autres
occasions par d'autres acteurs, il se généralise et devient constant. Peu
importe la sphère géographique ou professionnelle dans lesquelles il est
observé : il peut être local pour s'appliquer dans une ville ou une
région déterminées; spécifique à une activité donnée (commerce de
l'huile , celui des agrumes etc.), il peut être national (tunisien, art.
378 al. 2 C.C.
, par exemple), ou international. Dans ce cas, on parle de lex
mercatoria, qui désigne l'ensemble des usages et principes suivis par les
acteurs du droit commercial international.
La
loi renvoie pour la solution des difficultés qu'elle n'a pas réglées aux
usages. C'est le cas du code de commerce qui revoie aux usages du commerce pour
déterminer par exemple le montant de la rémunération du courtier (art. 621 C.C.) ou pour la
détermination du délai de préavis à respecter pour la clôture d'un contrat de
compte courant à durée indéterminée (art. 732 al. 2 C.C.). Il en est de même du
code des obligations et des contrats qui renvoie aux usages du commerce pour
décider par exemple du sort de la rétribution du mandataire lorsque l'opération
en vue de laquelle le mandat avait été donné n'a pas été réalisée.(art.
1143/3°). Ce sont là des manifestations de la coutume par délégation de la loi.
Mais les usages reçoivent application même en
dehors de tout renvoi par les textes. La doctrine distingue généralement entre usages
de fait et usages de droit. Cette
distinction ne repose pas sur la différence
du mode de formation de ces deux sources; toutes deux étant des manifestations
de droit spontané. La différence réside dans l'inégale autorité des uns et des
autres et leur soumission à des régimes procéduraux différents.
Les usages de fait ou encore usages
conventionnels
correspondent aux règles habituellement
suivies dans la conclusion ou
l'exécution de tel ou tel contrat. Ainsi en est-il par exemple de l'usage en
matière de vente des véhicules automobiles neufs d'après lequel la garantie du
fournisseur est limitée soit à un kilométrage soit à un durée déterminés (Cass.
civ. n°146 84 du 8-5-1986, B. II, 305). L'usage conventionnel tire son autorité
du contrat. Il s'applique même en dehors d'une stipulation expresse des
parties. Il peut déroger à une loi supplétive, jamais à un loi impérative.
La preuve de l'usage de fait incombe
à celui qui s'en prévaut. Elle est faite généralement au moyen d'un parère,
c'est-à-dire une attestation émanant de l'autorité compétente (de l' U.T.I.C.A.
par exemple Cass. civ. du 8-5-1986,
préc.) Le juge ne peut pas en soulever l'application d'office.
Les usages de droit sont de véritables règles de droit. Ce
sont plus simplement les coutumes. Le juge les connaît. Il peut
en soulever l'application d'office. Seulement, en raison des difficultés tenant
à l'établissement des usages le juge
peut requérir la collaboration des parties. Parmi les exemples, on peut citer
le coutume d'après laquelle le commerçant est réputé avoir accepté une facture
qui vaudra preuve à son encontre lorsque aussitôt qu'il l'a reçue il ne conteste pas la dette
qu'elle renferme au moyen d'un lettre recommandée ou de tout autre document
équivalent. A l'évidence, l'autorité des usages de droit -la coutume- par
rapport à celle des usages de fait doit beaucoup au rôle de la jurisprudence.
b- la jurisprudence
Selon une opinion généralement répandue mais
non vérifiée le rôle de la jurisprudence comme source du droit civil est dans
notre système sérieusement contesté. Le pouvoir créateur de nos juges serait
inexistant et à tout le moins, insuffisant. Pourtant une tradition
jurisprudentielle s'appuyant sur
l'interprétation des textes s'est peu à peu construite.
Ce
qui vient d'être dit vaut , à quelque
nuances près, pour la jurisprudence
en matière commerciale. L'organisation judiciaire ne compte pas en son sein de
juridictions d'exception connaissant exclusivement de la matière commerciale
comme c'est le cas des tribunaux consulaires en France composés de magistrats
consulaires, c'est-à-dire des commerçants élus par leurs pairs. Le droit
commercial est appliqué et interprété par des magistrats professionnels dans le
cadre général de leur compétence civile et des la limites de leurs ressorts
(juge cantonal , tribunaux de première instance, cours d'appel). Tardivement
initiés au droit commercial et n'ayant
reçu, le plus souvent, aucun formation spécialisée, les juges de droit commun
seraient peu sensibilisés aux problèmes
des affaires et seraient par conséquent acculés, le plus souvent, à user le
moins possible de leur pouvoir créateur.
Le jugement ci-dessus est sévère, mais il
est surtout hâtif. Le rôle d’une jurisprudence ne peut jamais être apprécié
selon des normes universelles. Chaque société secrète ses problèmes et chaque
société produit ses juges. Le droit
commercial est dans notre pays une discipline « jeune ». Des
traditions sont en cours de formation et une jurisprudence spécifique se
constitue. Contrairement à ce qu’on peut penser, son rôle créateur est certain.
On en veut pour preuve la jurisprudence sur la validité des clauses d’agrément
et de préemption ou encore celle sur l’abus de majorité qui ont largement
contribué à la naissance de nouvelles solutions législatives.
Comme en droit civil , le rôle de la
jurisprudence s’affirme en droit commercial. Est-ce là la preuve de la
dépendance de ces deux disciplines ou au contraire l’affirmation de
l’autonomie, celle du droit commercial par rapport au droit civil ?
Faculté de Droit et des Sciences
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DROIT COMMERCIAL (I)
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de la
troisième année de la maîtrise en droit
(Droit judiciaire, Droit de l'entreprise)
Par Nadhir
BEN AMMOU
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INTRODUCTION
Acheter du pain , louer un appartement,
voici des actes de la vie courante que
chacun d’entre nous est appelé à accomplir. Qu’ils soient soumis au droit
positif cela ne semble pas faire l’ombre d’un doute. A ceux qui comme vous ne
connaissent, pour l’heure, que le droit civil il s’agit incontestablement
d’actes civils. Mais ceci n’est vrai qu’en partie. Ces actes peuvent aussi bien
être soumis soit au droit civil qu’au droit commercial. Qu’est-ce donc que ce
droit qui fait partie des disciplines du droit privé mais qui n’est pas du
droit civil?
Après avoir défini et délimité le domaine du
droit commercial (Section I) , nous en exposerons l’évolution (Section II) ,
les sources (Section III) avant d’aborder la question de son autonomie (Section
IV).
SECTION I : DEFINITION ET DOMAINE DU
DROIT COMMERCIAL
Le droit commercial est-il le droit des
seuls commerçants ? La théorie subjective
répond par l’affirmative. Pour cette théorie le droit commercial est un droit
professionnel. Il est réservé aux commerçants qui sont d'ailleurs inscrits sur
un registre particulier. Il en encadre l'activité et fixe le statut. Telle
n’est pas la définition retenue par la théorie objective pour laquelle le droit
commercial régit les activités commerciales indépendamment de l'exercice
d'une profession commerciale. Peu importe
par exemple si l'actionnaire dans une société anonyme ou le trieur d'une
lettre de change ont ou non la qualité de commerçant.
Lorsque l’article premier du code e commerce
dispose que « le présent code s'applique aux commerçants et aux actes de
commerce ». cela signifie-t-il que notre législateur consacre l’une ou
l’autre des théories ci-dessus rappelées ? La marque de la théorie
subjective est visible du fait même que le code dit qu’il s’applique aux
commerçants. Mais en précisant par ailleurs qu’il s’applique aux actes de
commerce, il semble se faire l’écho de la théorie objective. L’accomplissement
des actes de commerce dans leur grande variétés n’est pas réservé aux
commerçants. Aussi en consacrant sa double vocation à s’appliquer aux
commerçants et aux actes de commerce , le code de 1959 semble avoir opté pour
une conception large du droit commercial en conciliant entre les théories
objective et subjective.
Bien que le droit commercial ne soit
pas réductible au code de commerce, il
est possible au vu de ces précisions de proposer une définition élémentaire du
droit commercial. C’est la branche du droit privé qui est appelée à
régir les rapports juridiques entre
commerçants et entre ces derniers et leurs clients ainsi que les rapports qui naissent
à l’occasion de la réalisation d’actes de commerce par des non
commerçants. Le droit commercial peut ainsi apparaître comme le droit des
commerçants et le droit des actes de commerce.
L’appellation
droit commercial n'exprime, cependant
pas l'étendue réelle du domaine de cette
discipline. L'origine latine du mot commerce (commercium) servait à
désigner tous les rapports juridiques que les individus entretenaient relativement à l'utilisation de leurs biens.
Ceux-ci étaient soit dans le commerce (in commercium)soit hors
du commerce(extra commercium). Or si à l'heure actuelle cette
distinction se retrouve encore en droit civil pour désigner les choses pouvant
faire l'objet d'obligations contractuelles, elle est dépourvue d'intérêt dans
la délimitation du domaine du droit commercial. En effet, ce droit ne désigne
pas toutes les opérations sur les biens matériels. A l'inverse, si les
économistes distinguent entre commerce et industrie, le droit commercial ignore
cette distinction : il s'applique à la fois au commerce, à l'industrie et aux
prestations de services : l'industriel,
le transporteur, l'assureur et le banquier sont des commerçants au sens
juridique du terme.
La
doctrine propose d’autres appellations. Ainsi parle-t-on de plus en plus de
« droit des affaires » ou de « droit économique ». Sans
évoquer une simple querelle de mots, ces appellations expriment chacune pour sa
part un choix de société. Le concept de droit économique met l'accent
sur l'intervention étatique tandis que celui de droit des affaires
évoque plutôt le rôle de l'initiative capitaliste. Mais quelle que soit
l'appellation retenue, ce qui doit être mis
en évidence c'est l'influence des faits économiques sur le
droit en général et sur le droit
commercial en particulier, la remise en cause de la distinction entre doit
public et droit privé et la nécessaire approche pluridisciplinaire de l'étude
du droit commercial. De plus en plus
s'impose, en effet, la prise en considération d'autres matières telles que le
droit fiscal, le droit social , le droit comptable et le droit de la
concurrence et le droit de l’investissement pour une meilleure maîtrise et
intelligence des règles régissant le domaine commercial. C'est là une preuve et
en même temps une conséquence de l'évolution que ce droit a connue et qu'il est
appelé connaître.
SECTION II : L’EVOLUTION DU DROIT
COMMERCIAL
Si le code de commerce de 1959 (§ 2)
constitue une étape importante dans l’évolution du droit commercial dans notre
pays, ni l’histoire de ce droit avant le code ( §1) ni l’évolution marquée
par les lois postérieures à ce code (§ 3) ne sont d’une moindre importance.
§ 1- Histoire du droit commercial avant
le code de commerce de 1959
L'étude
historique a pour objectif , moins l'inventaire des différentes étapes que le
droit commercial a connues que l'enseignement qui doit en être tiré pour
comprendre et parfaire les institutions actuelles.
La
doctrine contemporaine enseigne que les droits de la très haute antiquité ont
connu et réglementé différentes opérations et institutions commerciales. C'est
ainsi qu'on rapporte que les babyloniens ont connu le prêt à intérêt, la
société, le dépôt d'espèces et de marchandises. Les phéniciens auraient, pour
leur part, inventé la technique de l'avarie commune. Aux grecs, on doit le prêt
à la "grosse aventure". Les romains auraient mis au point la représentation
et réglementé les opérations de banque et la comptabilité en partie double.
Mais l'apport de l'antiquité au droit commercial est jugé plutôt limité en ce
sens que les mécanismes propres à ce droit n'ont pas été découverts pendant
cette période.
L'origine des principales institutions
commerciales modernes serait à chercher dans le moyen-âge. Le berceau du
développement de l'activité commerciale étaient les villes italiennes du nord :
Gênes, Venise et Florence, points de passage obligés pour les relations avec
l'Orient. Paradoxalement, les ouvrages modernes passent sous silence l'apport
de ce monde au droit commercial. On néglige plus particulièrement la
contribution du droit musulman au développement du droit commercial. Pourtant
la position géographique privilégiée du Monde Arabe entre l'Europe, l'Inde, la Chine et l'Afrique de l'Est
en a fait un centre du commerce international. L'Islam a, de son côté, favorisé
l'essor du commerce en consacrant le principe de la liberté de la preuve. Les conquêtes musulmanes, les découvertes scientifiques (invention de
la boussole et de l'astrolabe) et la
maîtrise des techniques de l'industrie maritime furent de nature à renforcer
les relations commerciales du Monde Arabe avec ses partenaires. Des techniques
nouvelles telles que la lettre de change ou le chèque ont fait leur apparition. A l'heure actuelle
les droits modernes continuent d'utiliser des concepts développés par les
arabes : avarie, câble, magasin, tarif etc..
Qu'il
soit vu de l'orient ou de l'occident, le moyen âge fut marqué par la naissance
d'une véritable branche du droit spécifique aux professionnels et aux
opérations de commerce. La pratique des foires entraîna la naissance de la
procédure de la faillite dont la finalité était de sanctionner les commerçants
mauvais payeurs. Avec les corporations des marchands se développa un droit
propre ; une lex mercatoria et un justice spécifique, les juridictions
consulaires.
L'histoire
mouvementée de la Tunisie
du fait des multiples conquêtes dont elle a fait l'objet est à l'origine de la
précarité de ses institutions. Avec la
conquête musulmane commença le règne du Droit musulman. Malgré le fait qu'il
ait été à l'origine de différents concepts du droit commercial ce système
ignorait la distinction entre droit
civil et droit commercial. Les fuqahas traitaient les questions
actuellement qualifiées de droit commercial en même temps qu'ils traitaient les
problèmes de droit civil. Ibn Abidine, par exemple, (auteur hanafite qui a
inspiré, entre autres, les rédacteurs du code des obligations et des contrats)
analysait la lettre de change tantôt comme une forme de prêt, tantôt comme une
cession de créance.
Malgré le statut de régence ottomane de la Tunisie, on notera
que le règne ottoman ne s'est pas suivi
de l'application de la législation nouvelle en Tunisie. Le Code de commerce
ottoman pas plus que la Medjella
n'ont jamais été appliqués dans notre pays.
Le
Pacte fondamental devait apporter des modifications profondes au système en
vigueur. Garantissant la liberté du commerce et de l'industrie, (articles 9 et
10) le Pacte se proposait de créer des tribunaux "composés d'hommes
éminents pour connaître des différends que peut engendrer le commerce, cette
source de prospérité des Etats...". L'article VII du Pacte prévoyait
la composition de ces tribunaux mais en différait l'entrée en fonctions jusqu'à
l'établissement d'un accord avec "les puissances amies". La
constitution du 25 avril 1861 reprit
dans ses articles 23 et 25 la même idée (création de tribunaux de commerce) et
d'un tribunal de révision de ses décisions (art. 24). L'élaboration d'un projet
de code de commerce fut confiée à une commission désignée par Assadiq Bey en
exécution des principes du pacte fondamental. Un projet de code de commerce fut élaboré en janvier 1864
.Mais le code tunisien de commerce n'a
jamais vu le jour; le Bey ayant décidé le 19 avril 1864 de suspendre le pacte
fondamental et il fallait attendre les innovations que le Protectorat devait
apporter.
En septembre 1896 fut constituée un
commission chargée de codifier la législation civile commerciale et pénale de la Tunisie. Un projet
préliminaire de code civil et commercial
fut établi en 1897. La sous-commission de codification qui examina ce projet
confia à David Santillana le soin d'établir un avant-projet destiné à servir de
base aux délibérations d'une commission spéciale plus étendue. L'avant-projet
fut adopté en 1899. Mais il fallait
attendre 1906 pour voir apparaître non pas un code civil et commercial
mais simplement l'actuel code des obligations et des contrats.
L'abandon de l'idée d'une codification commune au droit civil et au droit
commercial ne fut jamais expliqué. Pendant longtemps, les tribunaux tunisiens
devaient affronter le vide législatif en matière commerciale. Les dispositions
du code des obligations et des contrats qui s'y rapportent (V. p. ex. les
articles 461 et s. C.O.C. sur les livres des marchands les art. 1249 et s. sous
l'intitulé "De la société contractuelle, Dispositions générales aux
sociétés civiles et commerciales".) ne suffisaient pas pour résoudre
toutes les difficultés. C'est ainsi, par exemple, qu'on s'interrogeait sur le
possibilité de créer une société anonyme en Tunisie en vertu d'une loi
étrangère sachant que le droit tunisien ne prévoyait pas ce type de
société.
Ce
n'est qu'en 1926 qu'apparurent les premières réformes. Le décret de 16 juillet
1926 institua le registre du commerce. Le décret du 28 février 1930
introduisait la législation française sur la société par actions, le décret de
5 mai 1930 celle des sociétés à responsabilité limitée etc. Ainsi, par des
textes épars, le législateur tunisien ne faisait que rendre applicable en
Tunisie le droit commercial français sans qu'aucune tentative de codification
d'ensemble n'ait été entreprise.
Avec
l'indépendance et pendant quelques années, les juges tunisiens devaient en
vertu de la convention judiciaire franco-tunisienne du 9 mai 1957 appliquer les
textes français en vigueur à la date de l'entrée en application de cette
convention toutes les fois que les
textes tunisiens ne prévoyaient pas de solution . Pendant ce temps, le
ministre de l'économie nationale a désigné une commission chargée d'élaborer un
projet de code de commerce et de code maritime. En 1957 cette commission a
achevé d'élaborer un premier projet de code de commerce. Les rédacteurs du
projet s'étaient inspirés du droit
français, des conventions internationales, des droits marocain et levantins.
Ce projet n'a , cependant, jamais vu le jour. Une seconde commission chargée de
préparer un autre projet s'en est largement inspirée dans l'élaboration de ce
qui n'est autre que l'actuel code de commerce du 5 octobre 1959.
§.2- LE CODE DE COMMERCE DE 1959
Le
code de 1959 était à l'origine composé de 746 articles regroupés en cinq
livres. Régissant respectivement le commerce en général (livre I), le fonds de
commerce (livre II), la lettre de change, le billet à ordre et le chèque (livre
III), la faillite (livre IV) et, enfin, les contrats commerciaux (livre V). Le
plan du code, on le voit bien, n'obéit pas à une ligne directrice claire. Ce
qui est de nature à confirmer l'assertion selon laquelle "un code de
commerce ne peut pas avoir un plan rationnel. Il n'est jamais qu'une réunion de
lois particulières faite dans un ordre quelconque". RIPERT et
ROBLOT par GERMAIN, op. cit., 1° , 41, p. 21....)
Les
rédacteurs du code insistent sur le caractère incomplet de leur œuvre ( Exposé des motifs du code de commerce in code de commerce, lois
usuelles et codes tunisiens, collection
Mahmoud BEN CHEIKH, Tunis 1975, pp. 1 et s., spéc. p. 1 et 4).. En même temps ils en reconnaissent le pragmatisme. « L'essentiel,
disent-ils, est d'avoir une loi à appliquer quelle que soit sa source » . A cet effet, les considérations d'ordre historique ont fait que le
droit commercial français ait eu sur les rédacteurs du code de commerce une
influence décisive. Il n'a certainement pas
été leur unique source d'inspiration. Le droit libanais à inspiré les solutions relatives à la
théorie générale des sociétés et au concordat préventif (aujourd'hui abrogé) .
Le droit allemand est à l'origine de la
réglementation des sociétés à responsabilité limitée. Le droit international
privé a, pour sa part, largement inspiré la réglementation de la lettre de
change du billet à ordre et du chèque.
Faisant
partie des premières codifications de l'indépendance, le code de commerce n'est
paradoxalement doté d'aucun prestige. Il n'a ni l'hardiesse du code du statut
personnel ni la clarté du code des droits réels et encore moins l'originalité
de code des obligations et des contrats pourtant oeuvre coloniale par essence.
Celui-ci n'est certainement pas un chef-d'œuvre en matière de codification.
Mais par le richesse et la diversité de ses sources, la tendance avant-gardiste
de quelques unes de ses solutions, il se présente comme une oeuvre
techniquement et fondamentalement supérieure au code de commerce aux textes
parfois excessivement longs et surchargés de détails techniques, ce qui ne va
pas sans entraver l'œuvre créatrice de
la jurisprudence. Une telle situation
rend inévitable le recours à d’autres lois pour compléter le code ou pour régir
des situations particulières.
§. 3 - LES LOIS POSTERIEURES AU CODE DE
COMMERCE DE 1959
Depuis sa promulgation le code de
commerce a fait l'objet de plusieurs modifications. On notera à titre d'exemple
la loi n° 62-63 du 2 juillet 1962 ayant
modifié le chapitre IV de titre III du livre I sur les sociétés à
responsabilité limitée et le chapitre VII relatif à la publicité des sociétés
commerciales, les différentes réformes de la législation sur le chèque, la loi sur les sociétés d'investissement à
capital variable. Mais quelque multiples qu'elles aient pu être, ces
différentes réformes avaient pour effet moins de remettre en cause le code que
de le consolider. Son application par les tribunaux n'a pas provoqué de grands
remous. Il a passé avec succès les premières années de l'indépendance et
résisté à l'expérience des collectivisations. Mais à mesure que le pays
s'industrialise et que les frontières s'ouvrent aux relations internationales,
les défaillances du code étaient devenues de plus en plus visibles. Le vent des
dernières réformes semble l'avoir déstabilisé. L'une des plus importantes est
incontestablement celle qui résulte des lois du 17 avril 1995. D'une part la
loi n° 95-35 qui a abrogé les articles
413 à 444 du code sur le concordat préventif et modifié certaines dispositions
sur la faillite. D'autre part la loi n° loi n°95-34 a instauré la procédure du redressement des entreprises
en difficultés économiques. Mais le code des sociétés commerciales promulgué
par la loi n°93-2000 du 3 novembre 2000 est incontestablement le texte le plus
important en volume et en substance qui ait ôté au code de commerce une grande
partie de son rayonnement. Avec plus de 450 articles (au moment de sa
promulgation) réservés aux sociétés une partie importante des dispositions
du code de commerce a disparu. Et si on sait que les baux commerciaux sont
régis par un texte spécial, que le droit
des assurances est régi par le code de 1992, que les textes spéciaux organisent
la concurrence, les ventes commerciales,
les établissements de crédit, le commerce extérieur, on peut
légitimement s'interroger que reste-t-il du code de commerce ? Peu de choses en
réalité. Mais ce qui intéresse le plus c'est d'avoir un corps de règles adapté
à l'évolution et aux besoins de la vie économique. C'est en cela que la
diversité des sources du droit commercial acquiert toute son utilité.
SECTION III: LES SOURCES DU DROIT
COMMERCIAL
Le berceau du droit commercial n'était autre
que les foires, il est donc normal que les sources internationales de ce droit
(§1) occupent une place importante à côté de ses sources internes (§2).
§. 1- LES SOURCES DU DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL
Le
droit commercial ne peut pas répondre aux besoins de la vie économique s'il
reste enfermé dans les limites réduites des frontières d'un pays quelque grand
qu'il soit. Il est en quelque sorte condamné à répondre aux exigences du
commerce international. L'internationalisation des affaires résultant du
développement des moyens de
communication a donc une influence décisive sur le droit commercial. Or le
développement du commerce international se heurte à la diversité des droits
nationaux. De plus la méthode des conflits destinée à déterminer la plus
compétente des lois nationales s'est avérée de plus en plus difficile et
inadaptée pour régler différentes
transactions internationales. Pour parer à ces difficultés deux procédés sont
utilisés:
1°-
La superposition aux législations nationales, qui demeurent en vigueur
pour les relations internes, de lois uniformes destinées à être
appliquées aux relations internationales. Il en est ainsi, par exemple, de la
convention de Berne du 14 octobre 1890 sur les transports par chemins de fer ou
encore la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente
internationale de marchandises.
2°- Le second procédé consiste à uniformiser
le droit applicable aussi bien sur le plan
international que sur le plan interne. Tel a été le cas des conventions
de Genève du 7 juin 1930 et de 19 mai 1931 sur la lettre de change le
billet à ordre et le chèque reproduites
par le code de commerce de 1959.
La
mondialisation des échanges et l'émergence de ce qu'il est courant d'appeler
l'ordre économique international entraîne l'apparition d'un droit économique
international qui va au delà des réglementations ponctuelles telles que
l'illustrent les exemples précédemment cités. Les accords du G.A.T.T. et l'aboutissement
à la naissance de l'O.M.C tendent à la réalisation d'un ordre économique
libéral à l'échelon international essentiellement par la suppression des
mesures protectionnistes. Mais la place laissée à la liberté de manœuvre des
Etats est de nature à donner naissance
et à de nouveaux protectionnismes. De l’avis de certains juristes (ceux
notamment des pays riches) ces mesures sont de nature à retarder le développement de ce droit économique
international. Mais les intérêts de ces
pays ne convergent pas forcément avec ceux des pays moins fortunés et il y va
de l'avenir de la construction de ce droit
et de son effectivité qu'il ne se
fasse pas au détriment de ces derniers. Or en attendant cette
construction équitable, les sources internes du droit commercial continuent à jouer un rôle important.
§.2- LES SOURCES INTERNES
Ces sources sont les sources écrites d’une
part (A), et les sources non écrites d’autre part (B)
A-
Les sources écrites
Ce sont les lois largo sensu à savoir les
lois et les règlements.
Selon
l'article 34 de la constitution "sont pris sous forme de lois les
textes relatifs... aux obligations". Le texte ne précise pas s'il
s'agit des obligations civiles ou commerciales. N'ayant pas, toutefois,
distingué ce texte s'applique aussi bien aux unes qu'aux autres. Aussi, est-il
normal de constater qu'une grande majorité des textes régissant la matière est
prise sous forme de lois au sens formel, c'est-à-dire la norme d'origine
parlementaire par rapport au règlement, la norme d'origine gouvernementale
(décrets et arrêtés). C'est, plus précisément, le cas du code de commerce et
des textes qui l'ont complété ou modifié, de la loi sur le registre du commerce
ou encore celle relative au redressement des entreprises en difficultés
économiques.
La
réforme constitutionnelle du 27 octobre 1997 est venue donner au règlement un
rôle plus important dans la création des normes. En effet, depuis cette
réforme, tout ce qui ne relève pas des matières limitativement énumérées par
l'article 34 de la constitution est, d'après l'article 35, du domaine du
règlement. Or quand on sait que le droit commercial n'est pas composé
uniquement des obligations commerciales au sens juridique du terme, on peut
constater sans peine l'extension possible du domaine du règlement en la
matière. (à titre d’exemple l’organisation du registre du commerce ne fait pas
partie de l’organisation des obligations commerciales et on peut parfaitement
imaginer qu’elle puisse être l’œuvre de l’exécutif). A cela s'ajoute la
possibilité que reconnaît l'alinéa 2 de l'article 35 d'après lequel le
règlement peut même modifier les lois
antérieures prises de la matière réservée au domaine du règlement.
L'
extension du domaine du règlement au détriment de celui de la loi n'est pas
propre au droit commercial. Mais en cette matière il semble répondre à un
besoin : l'adaptation de la norme aux exigences du moment. La norme d'origine
parlementaire se caractérise au stade de sa création par une lourdeur
incompatible avec le dynamise des affaires. Et si la loi permet la mise en
oeuvre d'une politique économique déterminée, le règlement permet une solution
rapide de problèmes conjoncturels. Le risque d'inflation est certain, celui de
d'improvisation l'est davantage. Dans les deux cas se pose cependant le
problème de l'effectivité de la norme commerciale.
En
dépit de l'inflation législative (la production normative qu'elle soit
d'origine législative ou réglementaire) on observe que la législation commerciale ne se suffit pas à elle-même.
Aussi, considère-t-on qu'étant donné que le droit commercial est une branche du
droit privé il convient de chercher dans le droit commun, le droit civil en
l'occurrence, la solution des problèmes non prévus par les textes commerciaux.
Le code des obligations et des contrats recevra par conséquent application
toutes les fois qu'on est en présence d'un lacune du droit commercial. Cette
solution ne s'appuie pas seulement sur les travaux préparatoires du code de
commerce, mais elle trouve aussi son fondement
dans le code de commerce lui -même (V° p. ex. l'art. 597 C.C. sur la preuve des
contrats commerciaux ) et dans le code des
obligations et des contrats qui contient des dispositions spécifiques à la
matière commerciale (par ex. art. 175 sur la solidarité
entre débiteurs, les articles 461 et s. sur le preuve par les livres du
commerce.)
Malgré cette possibilité de recourir à
d’autres sources écrites, la richesse des celles-ci ne rend pas inutile le rôle
des sources non écrites.
B-
les sources non écrites
Il s’agit des usages (a) et de la
jurisprudence (b)
a- les usages
Si les usages jouent un rôle important en
droit commercial c’est par ce qu’ils répondent mieux à l'impératif de
rapidité et s'adaptant mieux aux
exigences de la profession. Manifestations d'un droit spontané, ce sont des
pratiques commerciales constantes couramment suivies dans un milieu
professionnel et dans un lieu déterminés. Leur apparition est fonction des
besoins qu’éprouve le milieu professionnel. A l'occasion d'une difficulté, une
partie adopte un comportement qui donne satisfaction. Suivi en d'autres
occasions par d'autres acteurs, il se généralise et devient constant. Peu
importe la sphère géographique ou professionnelle dans lesquelles il est
observé : il peut être local pour s'appliquer dans une ville ou une
région déterminées; spécifique à une activité donnée (commerce de
l'huile , celui des agrumes etc.), il peut être national (tunisien, art.
378 al. 2 C.C.
, par exemple), ou international. Dans ce cas, on parle de lex
mercatoria, qui désigne l'ensemble des usages et principes suivis par les
acteurs du droit commercial international.
La
loi renvoie pour la solution des difficultés qu'elle n'a pas réglées aux
usages. C'est le cas du code de commerce qui revoie aux usages du commerce pour
déterminer par exemple le montant de la rémunération du courtier (art. 621 C.C.) ou pour la
détermination du délai de préavis à respecter pour la clôture d'un contrat de
compte courant à durée indéterminée (art. 732 al. 2 C.C.). Il en est de même du
code des obligations et des contrats qui renvoie aux usages du commerce pour
décider par exemple du sort de la rétribution du mandataire lorsque l'opération
en vue de laquelle le mandat avait été donné n'a pas été réalisée.(art.
1143/3°). Ce sont là des manifestations de la coutume par délégation de la loi.
Mais les usages reçoivent application même en
dehors de tout renvoi par les textes. La doctrine distingue généralement entre usages
de fait et usages de droit. Cette
distinction ne repose pas sur la différence
du mode de formation de ces deux sources; toutes deux étant des manifestations
de droit spontané. La différence réside dans l'inégale autorité des uns et des
autres et leur soumission à des régimes procéduraux différents.
Les usages de fait ou encore usages
conventionnels
correspondent aux règles habituellement
suivies dans la conclusion ou
l'exécution de tel ou tel contrat. Ainsi en est-il par exemple de l'usage en
matière de vente des véhicules automobiles neufs d'après lequel la garantie du
fournisseur est limitée soit à un kilométrage soit à un durée déterminés (Cass.
civ. n°146 84 du 8-5-1986, B. II, 305). L'usage conventionnel tire son autorité
du contrat. Il s'applique même en dehors d'une stipulation expresse des
parties. Il peut déroger à une loi supplétive, jamais à un loi impérative.
La preuve de l'usage de fait incombe
à celui qui s'en prévaut. Elle est faite généralement au moyen d'un parère,
c'est-à-dire une attestation émanant de l'autorité compétente (de l' U.T.I.C.A.
par exemple Cass. civ. du 8-5-1986,
préc.) Le juge ne peut pas en soulever l'application d'office.
Les usages de droit sont de véritables règles de droit. Ce
sont plus simplement les coutumes. Le juge les connaît. Il peut
en soulever l'application d'office. Seulement, en raison des difficultés tenant
à l'établissement des usages le juge
peut requérir la collaboration des parties. Parmi les exemples, on peut citer
le coutume d'après laquelle le commerçant est réputé avoir accepté une facture
qui vaudra preuve à son encontre lorsque aussitôt qu'il l'a reçue il ne conteste pas la dette
qu'elle renferme au moyen d'un lettre recommandée ou de tout autre document
équivalent. A l'évidence, l'autorité des usages de droit -la coutume- par
rapport à celle des usages de fait doit beaucoup au rôle de la jurisprudence.
b- la jurisprudence
Selon une opinion généralement répandue mais
non vérifiée le rôle de la jurisprudence comme source du droit civil est dans
notre système sérieusement contesté. Le pouvoir créateur de nos juges serait
inexistant et à tout le moins, insuffisant. Pourtant une tradition
jurisprudentielle s'appuyant sur
l'interprétation des textes s'est peu à peu construite.
Ce
qui vient d'être dit vaut , à quelque
nuances près, pour la jurisprudence
en matière commerciale. L'organisation judiciaire ne compte pas en son sein de
juridictions d'exception connaissant exclusivement de la matière commerciale
comme c'est le cas des tribunaux consulaires en France composés de magistrats
consulaires, c'est-à-dire des commerçants élus par leurs pairs. Le droit
commercial est appliqué et interprété par des magistrats professionnels dans le
cadre général de leur compétence civile et des la limites de leurs ressorts
(juge cantonal , tribunaux de première instance, cours d'appel). Tardivement
initiés au droit commercial et n'ayant
reçu, le plus souvent, aucun formation spécialisée, les juges de droit commun
seraient peu sensibilisés aux problèmes
des affaires et seraient par conséquent acculés, le plus souvent, à user le
moins possible de leur pouvoir créateur.
Le jugement ci-dessus est sévère, mais il
est surtout hâtif. Le rôle d’une jurisprudence ne peut jamais être apprécié
selon des normes universelles. Chaque société secrète ses problèmes et chaque
société produit ses juges. Le droit
commercial est dans notre pays une discipline « jeune ». Des
traditions sont en cours de formation et une jurisprudence spécifique se
constitue. Contrairement à ce qu’on peut penser, son rôle créateur est certain.
On en veut pour preuve la jurisprudence sur la validité des clauses d’agrément
et de préemption ou encore celle sur l’abus de majorité qui ont largement
contribué à la naissance de nouvelles solutions législatives.
Comme en droit civil , le rôle de la
jurisprudence s’affirme en droit commercial. Est-ce là la preuve de la
dépendance de ces deux disciplines ou au contraire l’affirmation de
l’autonomie, celle du droit commercial par rapport au droit civil ?